Conclusion des 6 modules Dev&Mus

Blandine Roubaud, kinésithérapeute du développement (Marseille)

&

David Ohanessian, professeur d'éducation musicale (Marseille)

Ainsi, c’est au cœur de l’Université de Tours, pour des étudiants en Master qui se destinent à devenir professeur d’éducation musicale, que, pour la première
fois à notre connaissance, aura pu être abordée dans le cadre de l’enseignement, la question des liens entre développement du bébé et vécu des enfants en âge scolaire.
Certains pédagogues dont Jacques Dalcroze nous proposaient d’expérimenter avant d’intellectualiser, et, pour comprendre l’enfant, André Bullinger, père de la sensorimotricité,
nous invitait à nous mettre à sa place pour ressentir et tenter de trouver des liens entre ce que l’on observe de lui et ce qu’il vit de l’intérieur, depuis son organisme encore en construction.

Plusieurs ateliers, imaginés pour tenter de déplacer l’étudiant au creux de sensations somesthésiques et sensorimotrices ont été proposés. L’objectif  de ces situations qui pourraient apparaître comme étranges ? 
Changer de point de vue, de point de ressenti. Conduire le futur enseignant à vivre ces expériences d’abord par le biais de ses propres perceptions, de le rendre attentif à ce qu’il se passe alors pour lui-même, dans son corps, puis, en offrant quelques appuis théoriques, de le conduire encore plus loin pour tenter de poursuivre le voyage jusqu’à ouvrir un regard supplémentaire posé sur son élève, l’enfant dont il s’occupe, un regard qui passerait par le prisme des notions développementales.

Au tout début, ce sont les sollicitations sensorielles qui viennent mobiliser le bébé, l’odeur de sa maman, le timbre et la prosodie de sa voix ou de celle de son papa, leur arrivée dans son champ de vision, et bien d’autres encore. Le bébé met en jeu une organisation somatique riche et complexe pour y répondre, s’orientant vers sa source.  Ainsi, au grès des expériences renouvelées, se construit peu à peu son axe corporel. Il est conduit à calibrer puis automatiser le traitement des informations sensorielles, par exemple la localisation d’une émission sonore, à en évaluer l’éloignement et en hiérarchiser l’importance. Passant l’une ou l’autre de ses mains devant son visage, il s’exerce à coordonner sa vision périphérique avec sa vision focale. Par ses mains, qui se découvrent l’une l’autre, se touchant au milieu ou qui vont à la rencontre du bas de son corps, s’estompent peu à peu les grandes frontières qui séparent la droite de la gauche et le bas et du haut. Il entre dans le processus d’unification de sa perception de l’espace. Combien de
signes sont perceptibles encore à l’école, émergence probable de ces moments clés du développement ! Ils nous invitent à être attentifs, à chercher ce qui pourrait représenter un appui temporaire pour l’enfant.

Dans ce contexte, et avec un plaisir rare mais indispensable procuré par les outils musicaux, on accède entre autre à la synchronisation neuronale et interpersonnelle, sont mobilisés les mécanismes fondamentaux : anticipation, inhibition, sélection des entrées sensorielles, aptitude à choisir où porter son attention. Si tout cela s’opère de manière non consciente, automatisée, l’enfant peut devenir davantage disponible à la multimodalité, pour mettre ses fonctions cognitives notamment au service des apprentissages. Loin de l’idée de donner des recettes à appliquer, des solutions toutes faites à plaquer, mais soucieux de tenir compte de la singularité de chaque enfant, de chaque contexte, « Dev&Mus » voudrait soulever un voile, se questionner, cheminer avec les professionnels qui œuvrent auprès des adolescents, des enfants, des bébés, animés par le souhait d’offrir appui et soutien ajustés aux jeunes qui leurs sont confiés. En somme, que chaque être puisse se déployer dans son contexte, recevoir ce qui lui est offert, en percevoir la richesse et donner le meilleur de lui-même.